Question n° 4652 – Publiée au JO le 17/01/2023

Plan de lutte contre le frelon asiatique

Mme Sandrine Le Feur attire l’attention de Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie sur la problématique persistante du frelon asiatique. Cette espèce figure parmi les quarante-neuf espèces exotiques envahissantes préoccupantes recensées et reconnues par l’Union européenne et force est de constater qu’elle présente depuis son apparition en Aquitaine en 2004 un impact sanitaire au sens large, en terme de santé de l’environnement, de santé des cultures et des élevages et également de santé humaine.

Le frelon asiatique occasionne des nuisances aux particuliers, allant parfois jusqu’à se révéler meurtrier, en effet tous les ans nous pouvons déplorer des cas de décès par envenimation suite à une piqûre de frelon asiatique, particulièrement agressif pour qui a l’inadvertance de s’approcher de son nid.

En application du décret n° 2017-595 du 21 avril 2017, il appartient au préfet de faire procéder à la destruction des nids. Or, aucune prise en charge financière de la destruction des nids n’est prévue, alors même que, pour beaucoup de départements ou de communes, ces coûts représentent une dépense lourde à assumer. Certaines collectivités ont toutefois décidé de prendre en charge tout ou partie du coût de la destruction des nids, mais la plupart des communes n’ont pas les moyens de réaliser ces opérations coûteuses, une seule destruction pouvant coûter jusqu’à 150 euros. Ces initiatives se révèlent néanmoins de toute façon insuffisantes pour représenter une forme de régulation de l’espèce.

L’impact délétère du frelon sur la biodiversité et sur l’apiculture est également préoccupant. Ainsi, en l’absence de prédateur pour cet insecte, le frelon asiatique ne cesse de se développer en France. Gros consommateur d’insectes pollinisateurs, le frelon asiatique est un désastre pour tout notre écosystème. En 2022, d’après les retours que je peux avoir d’apiculteur du Finistère, la pollinisation a été très impactée par les ravages causés par le prédateur des abeilles. Les très nombreux petits apiculteurs, ceux par qui le maillage fin des territoires de pollinisation est assuré avec les butineurs sauvages, sont les premières victimes et demeurent impuissants quels que soient les dispositions prises par chacun d’entre eux pour protéger leur cheptel.

Sans une lutte collective préventive des nids de frelons asiatiques, l’apiculture, qu’elle soit de loisir, pluri-active ou professionnelle, s’en trouve menacée. On peut donc sans exagérer considérer que le frelon asiatique peut à terme représenter un danger pour la souveraineté alimentaire au rythme où progresse l’espèce.

Dans le cadre de la réglementation sur les dangers sanitaires, mise en œuvre par le ministère de l’agriculture et de l’alimentation, le frelon asiatique est classé au niveau national dans la liste des dangers sanitaires de deuxième catégorie pour l’abeille domestique Apis mellifera sur tout le territoire français (arrêté du 26 décembre 2012). Cela implique que l’élaboration et le déploiement d’une stratégie nationale de prévention, de surveillance et de lutte est de la responsabilité de la filière apicole, l’État pouvant apporter son appui sur le plan réglementaire (article L. 201-1 du code rural et de la pêche maritime – CRPM) notamment en imposant des actions de lutte aux apiculteurs (article L. 201-4 du CRPM) pour favoriser la réussite de la stratégie. Au regard des dispositions de l’article L. 201-8 du CRPM, ces opérations, réalisées par les organismes à vocation sanitaire, sont à la charge des apiculteurs. Une note de service du 10 mai 2013, relative aux mesures de surveillance, de prévention et de lutte permettant de limiter l’impact du frelon asiatique sur les colonies d’abeilles domestiques sur le territoire national, a défini le rôle des différents partenaires et des services de l’État.

Toutefois, notre réglementation indique également que les espèces exotiques proliférantes ayant un impact sanitaire au sens large sont susceptibles d’être réglementées par les ministères chargés de ces problématiques respectives, soit le ministère de la transition écologique et solidaire, celui de l’agriculture et de l’alimentation, et le ministère des solidarités et de la santé.

La situation appelle en effet à un plan de lutte collective et préventive et à une attention supplémentaire des pouvoirs publics eu égard à la menace que représente le frelon asiatique pour la biodiversité. Un département du sud est de la France vient d’ailleurs de se mobiliser pour équiper tous ses apiculteurs de pièges sélectifs.

A l’image de cet exemple, des moyens techniques adaptés déployés de façon tactique et uniformisée sur le territoire seraient nécessaires pour une action vraiment efficace permettant avant qu’i ne soit trop tard de changer de paradigme.

Elle souhaiterait donc connaître les mesures et moyens que le gouvernement pourrait mettre en place afin de faire face à la situation préoccupante engendrée par la prolifération du frelon asiatique.

Réponse publiée le 31/01/2023

La lutte contre le frelon asiatique (Vespa velutina nigrithorax), espèce ayant connu une expansion rapide dès son introduction accidentelle en Aquitaine en 2004, est encadrée par un corpus législatif et réglementaire complet et détaillé ci-après.

Le plan national en faveur des insectes pollinisateurs et de la pollinisation qui a été lancé conjointement par les ministères de la transition écologique et de l’agriculture en novembre 2021 est de nature à soutenir une bonne application des moyens de lutte (action 4.4.4 du plan, disponible ici : https://agriculture.gouv.fr/plan-national-en-faveur-des-insectes-pollinisateurs-et-de-la-pollinisation-2021-2026-DP).

Depuis fin avril 2021, une seule réglementation concourt à la lutte contre cette espèce : celle portant sur les espèces exotiques envahissantes (EEE) pilotée par le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires (MTECT).

Celle portant sur les organismes de quarantaine, pilotée par le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire (MASA), a exclu le frelon asiatique au regard de la nouvelle législation européenne dite « loi de santé
animale » (Cf ci-après).

Concernant la réglementation spécifique sur les EEE, la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a complété le code de l’environnement pour intégrer des dispositions législatives permettant d’agir contre les EEE (articles L. 411-5 et suivants). Au regard de l’intérêt de préservation du patrimoine biologique, des milieux naturels et des usages associés, l’article L.411-6 de du code de l’environnement interdit sur le territoire national, l’introduction, la détention, le transport, le colportage, l’utilisation, l’échange, la vente ou l’achat de tout spécimen vivant d’EEE, dont la liste est fixée par l’arrêté interministériel du 14 février 2018. Le frelon asiatique est inscrit sur cette liste. Les opérations de lutte sont définies à l’article L.411-8 du code de l’environnement. Ainsi, dès constat de la présence dans le milieu d’une EEE, le préfet de département peut « procéder ou faire procéder (…) à la capture, au prélèvement, à la garde ou à la destruction de spécimens » d’EEE. Un arrêté préfectoral précise alors les conditions de réalisation de ces opérations. Les préfets peuvent notamment ordonner la destruction de nids sur des propriétés privées.

Le financement des opérations de lutte contre le frelon n’est pas pris en charge par l’État, au regard du degré très large d’envahissement du territoire métropolitain par l’espèce. La destruction des nids reste à la charge des particuliers et ses coûts peuvent être, le cas échéant, pris en charge en tout ou partie par des financements locaux émanant de collectivités territoriales.

Parallèlement, la direction générale de l’alimentation du MASA accompagne financièrement l’Institut technique et scientifique de l’apiculture et de la pollinisation (ITSAP – Institut de l’Abeille) et le MNHN (Muséum national d’Histoire naturelle) pour leurs actions techniques et scientifiques relatives à l’identification et à la validation des outils de lutte contre le frelon asiatique.

Les actions financées comportent deux volets : une méthode concernant le piégeage des fondatrices au printemps et le développement d’un protocole pour la destruction de nids par appâts empoisonnés.

Le premier volet des travaux concernant le piégeage est arrivé à son terme et a montré que le nombre de nids du frelon asiatique décroît significativement lorsque la méthode est conduite durant plusieurs printemps successifs, avec un maillage spatial fin et régulier (plus de 200 pièges répartis de façon homogène sur environ 10 km2 autour d’un
rucher à protéger). Un complément d’étude est envisagé sur 2023, afin d’approfondir les résultats.